La douceur des petits mensonges intérieurs
|
9h52,
le téléphone sonne. Blottie sous ma couette, je bouge malgré moi en pleine euphorie d'un rêve plus vrai que nature. Deuxième sonnerie. Pourquoi toujours ce retour brutal à la réalité? Troisième sonnerie. Je saute de mon lit (simple effet de style, comme le permet le langage courant, pour donner une impression de dynamisme). Je décroche pour mettre fin au cri strident du téléphone. D'une voix endormie, je réponds. Le temps d'échanger quelques mots et ma voix d'outre tombe décourage mon interlocuteur confus de m'avoir tiré des bras de Morphée (Morphée : dans la mythologie grecque, dieu des songes. D'ailleurs, Dieu, mensonge ou réalité ? En tout cas, aucun souvenir de lui dans mes derniers rêves. Encore une histoire à dormir debout...). "Moi, l'habitude de dormir tard ? Non, pourquoi !? (mauvaise foi évidente) Je manque de sommeil c'est tout (ça fait déjà quand même huit heures que je dors...) et mes journées de boulot interminables (1h22 de travail la veille dont 30 mn de préparation psychologique... mais bon, il paraît que ça fait sérieux d'avoir l'air surbooké)". Pas de longs discours: je raccroche, je le rappellerai vers 11h00 (heure à laquelle je ne serai jamais réveillée... Mais le temps de lui dire, j'y croyais !). Mon lit me tend les bras, j'y replonge. Avec délice, je me laisse engourdir par la chaleur de la couette. Horreur! Un éclair de conscience vient soudain noircir ce tableau: je devais consacrer ma matinée à écrire sur le... mensonge. Impossible de travailler tout de suite! Je me rendors encore deux toutes "petites" heures. Indispensable pour rendre son agilité à ma plume (on peut toujours espérer!). 11h34. La lumière du soleil de printemps se faufile à travers les volets. J'ouvre les yeux, tiraillée entre l'envie de savourer cette torpeur et une culpabilité naissante. Ah oui! écrire sur le mensonge !! Un petit déj', la fraîcheur d'une douche et je m'y mets (l'art de détourner ses choix, tout en gardant bonne conscience). Dehors le ciel bleu célèbre le soleil. Je ne résiste pas à la tentation de me laisser glisser dans le jardin. Rien de mieux que le soleil pour faire pousser les idées, scientifiquement prouvé ! Alors... lunettes de soleil, stylo à la main... Il ne manque plus que l'océan et une brise marine. Au fait !? cause de ma présence ici... le mensonge. Bon ! je me recentre sur le sujet. Mentir, c'est quoi au juste? Parler du côté normatif, moraliste du sujet? Non, trop commun. Mentir, c'est un peu rêver! Tiens, oui, imaginer un ailleurs, une réalité autre. Rien ne vaut la pratique, je passe à l'action. Les yeux fermés, la chaleur du soleil sur ma peau, je me laisse envahir par le sentiment de plénitude de ces instants où plus rien n'a d'importance (ça du travail? mensonge ou réalité ?). Le temps s'écoule au rythme de la douceur de vivre. J'oublie tout... ou presque. Éblouie par la blancheur de la page vide venue se perdre sous ma main muette, je reviens à la réalité. Trop de temps perdu, je change de décor pour faire avancer mon inspiration. Un détour par la cuisine, quelques carrés de chocolat (une mine de magnésium) et je prends mon vélo pour un coin de nature au bord de l'eau... Idéal pour me concentrer. Deux heures loin de tout et mes écrits seront bouclés, c'est sûr. Je m'assieds au pied d'un arbre; séduite par la beauté du lieu, je me laisse porter par sa magie. Et le mensonge dans tout ça ? Envahie de bien-être, en fait je ne résiste pas à la tentation de terminer les derniers passages cruciaux de ce roman qui dépasse de mon sac.. Ce sera rapide. Et puis après, dans un tel endroit, quelques dizaines de minutes suffiront à mettre la touche finale à cet article (mensonge grandeur nature?). Les heures passent, le soleil descend... mais pas l'encre sur le papier. Le soir, un léger sentiment de culpabilité me revient. Et si tout cela n'était... qu'un tissu de mensonges ? Ces petits mensonges qu'on se fait à soi-même et qui font la douceur de la vie, la richesse de la spontanéité. Ces excuses qu'on se trouve pour mieux vivre le présent sans penser à demain... Le plaisir enivrant de succomber à la tentation alors que la raison nous commanderait d'agir différemment, c'est se promettre quelque chose qu'on ne tiendra pas. La vie s'improvise. Elle trouve ses couleurs dans la richesse de l'imprévu. Faire place au mensonge, c'est rompre avec la rigidité de la réalité pour faire place à la vérité de l'instant. Florence Curet
|
vos créations : dernierevue@hotmail.com