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A la guerre, l'ennemi est très important, pour ne pas dire irremplaçable. C'est même l'élément le plus totalement irremplaçable de la guerre. En cas de pénurie de tromblons, on pourra avantageusement se tuer au glaive, au bazooka, à l'énergie nucléaire, voir à coups de microbes pathogènes. Car les armes, Dieu merci. - Y a pas de quoi ! - Mais si, mais si. Car les armes sont remplaçables. Mais pas l'ennemi. Sans l'ennemi la guerre est ridicule. Une guerre sans ennemi c'est comme un match de football sans ballon : l'homme ne sait sur qui taper, et il s'étiole, et il se ravale bientôt au rang de la bête, et c'est ce qui s'appelle la paix, du nom de la rue du même nom, qui est d'ailleurs elle-même assez souvent ravalée. Comment reconnaître l'ennemi ?
Voici quelques critères de base permettant à coup sûr de reconnaître l'ennemi. L'ennemi est bête : il croît que c'est nous l'ennemi, alors que c'est lui ! J'en ris encore ! L'ennemi à des oreilles. L'ennemi n'est pas contagieux.
L'ennemi est sournois : quelques fois l'ennemi est dans l' escalier, pour faire croire que c'est la concierge qui revient de suite. L'ennemi devrait consulter son dentiste. L'ennemi s'appelle Reviens.
L'ennemi se déguise parfois en géranium, mais on ne peut pas s'y tromper, car, tandis que le géranium est à nos fenêtres, l'ennemi est à nos portes. L'ennemi a un uniforme ridicule. L'ennemi ne sait pas se tenir dans le monde. Quand on
invite l'ennemi à la campagne, il égorge nos filles et nos
compagnes jusque dans nos bras.
Pierre Desproges,
Manuel de savoir-vivre à l'usage des rustres et des malpolis (édition Point Virgule) |
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